LES ARTISTES FIGURATIFS MANIFESTENT PUBLIQUEMENT CONTRE LE TERRORISME EXERCÉ PAR LES MANDARINS DES ARTS VISUELS
Les artistes peintres figuratifs de Québec et de Montréal manifesteront publiquement leur mécontentement devant les locaux du quotidien Le Soleil, le mercredi 28 avril 1999, à 8 heures 30.
À Québec, on sait depuis longtemps où vont les préférences du critique d'art du quotidien Le Soleil. Après avoir effectué quelques recherches, les artistes figuratifs ont découvert que plus de 20% des articles signés par ce dernier, depuis 1992, avaient été consacrées à deux galeries commerciales (et donc aux artistes qu'elles représentent) de la Capitale spécialisées dans la vente d'œuvres d'"expression instinctuelle". Si les recherches avaient été plus poussées, les figuratifs auraient sans doute compris les raisons pour lesquelles leurs rares expositions (à caractère muséal et non commercial) n'ont jamais fait l'objet d'aucune couverture de la part du critique, celui-ci étant sans doute trop occupé à couvrir celles de sa clique d'actuels subventionnés et de futurs subventionnables (le directeur des pages culturelles du Soleil a d'ailleurs défendu l'intégrité de son chroniqueur en affirmant que ce dernier avait le droit d'avoir des amis dans le milieu, que son choix de les encenser ne regardait personne). Les statistiques auraient dès lors grimpé.
En 1991, Jacques Dufresne, alors chroniqueur au quotidien La Presse, dénonçait déjà dans une série d'articles les pratiques arbitraires des pouvoirs culturels et "les manœuvres obscures d'un petit groupe de sectaires pour terroriser ceux qui ne sont pas de leur avis [...]. Si dans le but d'exiger plus de transparence dans l'administration des arts, vous vous attaquez à Borduas et à ses héritiers, les personnes que vous visez vont vous déclarer béotien, réactionnaire, malhonnête, ignare, duplessiste. C'est ainsi qu'ils ont réussi à éliminer toute opposition depuis plus de 30 ans". Il venait ainsi à la défense des artistes figuratifs, l'immense majorité lâchement ignorée et volontairement écartée par les mandarins des arts affectés par ce que le chroniqueur définissait comme le "complexe artistico-universitaire".
Depuis plus de 30 ans en effet, dans un Québec où l'on fait de la diversité une marque de commerce, l'art dit conceptuel ou le nouvel art moralisateur (la sculpture de steak de Jana Sterbak par exemple) est devenu une affaire d'État, le seul art auquel on reconnaît une existence et une essence.
On le subventionne sans compter, on l'explique à un public catalogué comme inculte s'il a le malheur de préférer Ingres à Riopelle, on l'exporte, et tant pis si nos musées et nos collections publiques se transforment en d'"admirables dépotoirs" (L'art avarié, Jean-Noël Tremblay).
Parmi les héritiers de Borduas, il y a ces universitaires qui pensent que le contact avec le passé n'est plus essentiel, que les artistes figuratifs sont tributaires de mouvements picturaux morts et enterrés (classicisme, baroque, caravagisme, romantisme, naturalisme, symbolisme, préraphaélisme, surréalisme, hyperréalisme, etc..). On retrouve ces moralisateurs un peu partout, dans les jurys, dans les comités d'achat des musées, dans les magazines spécialisés et même dans nos journaux où ils s'affichent critiques d'art. Ils nous inventent quotidiennement des théories sur l'art, ils entretiennent entre eux, disons-le, des rapports incestueux, ils se flattent entre eux, ils se distribuent entre eux l'argent consacré aux arts.
Marcella Maltais, célèbre et célébrée pour sa reconversion au figuratif après avoir connu la gloire dans le sillage de Borduas, se demandait lors d'une entrevue qu'elle accordait à Denise Bombardier, "pourquoi la non-musique vide les salles, tandis que la non-peinture remplit les galeries et les médias? Pourquoi devant l'événement miracle d'une oeuvre picturale harmonieuse, le vacarme habituel des médias se transforme en un silence oppressant"? Silence qu'elle qualifiera de "lâcheté assassine".
Pourquoi en effet? C'est la question que les figuratifs ont tenté d'élucider lors d'une rencontre récente de deux heures trente avec le directeur des pages culturelles du Soleil auquel ils ont pu exposer les sentiments d'injustice et d'impuissance qu'ils éprouvent. Un soleil qui ne peut pas toujours briller pour tout le monde est une réponse facile et insatisfaisante.
Source Alysouk Lynhiavu
Coordonnateur du Développement culturel
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